Sommaire 

  1. L’Origine des fêtes de la Wallonie et de la Communauté française
  2. L’instauration des deux fêtes
    1. Les fêtes de la Wallonie
    2. La fête de la Communauté française
  3. Les festivités à travers le temps
  4. Les célébrations en 2021
  5. Notes de bas de page
  6. Sources

Le 27 septembre et le troisième dimanche du même mois (le 19 septembre pour cette année de 2021) sont deux dates ancrées dans la culture belge francophone ainsi que dans les esprits des gens de cette communauté. Il s'agit respectivement de la fête de la Fédération Wallonie-Bruxelles, en l'occurrence, de la Communauté française et de celle de la Région wallonne. Ce sont là deux fêtes célébrées chaque année depuis plusieurs décennies maintenant. Il en va de même pour cette année aussi. Ces célébrations représentent un rituel quasi irremplaçable et dont il est hors de question d'abandonner pour les habitants de cette communauté culturelle. Une communauté composée de deux régions liées par une et même langue ainsi que par une culture commune. Dans son patrimoine culturel, la région méridionale du Royaume belge compte plusieurs fêtes et festivals qui font d'elle une région avec une culture riche et variée et où la population aime célébrer son histoire et sa culture. Des caractéristiques qui reflètent la fierté et l’importance donnée par les Wallons, ainsi que par l'ensemble des francophones Belges, c'est-à-dire la majeure partie des habitants de la capitale belge, Bruxelles, à leur histoire, traditions et coutumes.

Dans cet article plusieurs points concernant ces fêtes seront abordés. Tout d'abord, il est primordial de donner un aperçu historique afin de connaitre l'origine de ces deux fêtes et de savoir ce qui y est fêté au juste, depuis quand et pourquoi. Ensuite, seront traitées les festivités qui ont longtemps marqué les Belges francophones. Il s’agit ici d’avoir une idée générale et globale sur la nature des festivités dédiées à ces fêtes. Ainsi que de savoir comme celles-ci sont habituellement organisées et quels rituels marquent ces deux dates. Enfin, il est nécessaire de savoir comment ces fêtes ont été célébrées en 2020 ainsi qu'en cette année de 2021, et ce, en pleine crise du Covid-19. Il est intéressant d’avoir une idée sur les changements qui ont dû être faits par rapport à ces deux dates en raison de la crise sanitaire que connait le monde entier depuis plus d’un an et demi déjà. Une pandémie qui a couté la vie a des dizaines de milliers de Belges y compris des Wallonnes et Wallons. De plus, les inondations qui ont eu lieu en Wallonie et tous les dégâts et pertes humaines que celles-ci ont engendré cet été ont aussi un rôle dans la façon dont se dérouleront ces fêtes cette année.

 

L’origine des fêtes de la Wallonie et de la Communauté française

Si ces deux fêtes ont deux différentes dates de célébrations et deux décrets distincts qui les ont mis en place, vu leur appartenance différente en ce qui concerne la loi, leur origine est pourtant la même. Toutes les deux célèbrent les « Journées de Septembre » lors de la Révolution belge de 1830. Qu’est-ce qui a bien pu pousser les Belges, notamment les Bruxellois, à sortir dans les rues dans ce début du XIXe siècle pour exprimer leur colère et obtenir justice ainsi que leur indépendance ? Pour pouvoir répondre à cette question, une mise en contexte de l’époque est nécessaire.

Après de longues années de guerres napoléoniennes qui ont secoué l’Europe, des guerres qui ont remodelé et façonné l’image du vieux continent et qui ont permis une redistribution des cartes sur l’échiquier européen, voire mondial, les territoires belges, anciennement considérés comme la partie méridionale du Royaume des Pays-Bas, furent reconstitués par ceux qui ont vaincu Napoléon (Royaume-Uni, Prusse) au Roi des Néerlandais, Guillaume 1er pour que ces terres refassent partie de l’ancien grand Royaume des Pays-Bas. A cause des nombreuses différences qu’il y avait entre la partie nord et celle sud du nouveau Royaume Néerlandais, telles la religion, la langue, les richesses etc., la politique néerlandaise menée en Belgique (territoires belges) était très provocatrice et irritante. Ce qui fut explicitement contesté par les Belges étaient « l’imposition de la langue néerlandaise dans les contrées flamandes, l’instauration d’un monopole d’Etat dans le domaine de l’enseignement et les restrictions posées à la liberté religieuse ainsi la surreprésentation des Hollandais au gouvernement. »[1] Autre grande source de tension entre les Belges et le gouvernement central des Pays-Bas était la façon dont la très controversée Loi fondamentale du 24 août 1815 (« arithmétique hollandaise ») fut imposée.

Après tout ce gain de tensions qui a duré une quinzaine d’années, les foules commencèrent à sortir massivement dans les rues dès août 1830. Or, le 25 août de cette année-là une émeute a eu lieu à Bruxelles parmi la population. Cette émeute avait pour but d’« exiger des réformes aptes à répondre aux plaintes des Belges. »[2] Juste avant que ces émeutes n'éclatent, il y a eu une grande représentation au Théâtre de la Monnaie à Bruxelles. Il s’agissait d’une opéra romantique écrite par le compositeur français Daniel-François-Esprit Auber et qui portait sur l’envie pressante du peuple pour sa liberté. Un thème qui était d’actualité à cette époque-là. Au bout de quelques jours seulement, ces troubles de portée sociale et réformatrice, initiés par le peuple et conduits, par après, par la bourgeoisie, atteignirent de nombreuses autres régions et villes belges, telles Liège, Anvers, Bruges, Namur ou Mons.[3]

Au lieu d’apaiser les tensions qui ne cessaient de gagner de l’ampleur dans les territoires méridionaux de son vaste Royaume, Guillaume 1er, après avoir reçu une délégation bruxelloise et une autre liégeoise pour lui faire part de leurs demandes n’a pas pris ceux-là ainsi que la question belge très au sérieux. En effet, au lieu d’améliorer la situation et de calmer les esprits en apportant des changements pour le bien de ses Sujets du sud, le Roi hollandais n’a fait que « soumettre [cette] question aux Etats généraux. »[4] Une lenteur, un manque de considération et une absence de décision qui suscitèrent plus de mécontentement chez les Belges. Par ailleurs, ce qui les poussa à redoubler d’effort et de se battre pour plus de liberté et pour l’amélioration de leur vie quotidienne était le fait que le Roi ait envoyé son fils, le prince Guillaume d’Orange, à Bruxelles afin que l’autorité royale s’y soit rétablie. Au lieu de bien agir, les maladresses du prince rendirent la situation encore bien pire qu’elle l’était. Un changement qui atteignit les revendications elles-mêmes, passant du désir de plus de droits, à celui d’une indépendance totale. La petite révolte locale vint de se transformer en une insurrection générale unissant Bruxellois, Flamands et Wallons.[5]

Pour venir au bout de cette révolte et mater la rébellion, Guillaume 1er chargea son autre fils, le prince Frédéric d’Orange commandant en chef de l’armée royale, de cette mission. Avec environ 12 000 soldats, il arriva à Bruxelles le 23 septembre de cette même année. Au bout de quelques jours de farouches affrontements sanglants face à quelques 6000 résistants belges dans la ville, mais notamment dans le Parc de Bruxelles, l’armée néerlandaise se retira complètement dans la nuit du 26 au 27 septembre.[6] Le 4 octobre suivant, le « gouvernement provisoire de la Belgique », formé 8 jours auparavant par les indépendantistes, déclare le pays indépendant. Le 3 novembre 1830, c’est le Congrès national qui voit le jour. Il faudra attendre jusqu’au 20 décembre pour que les grandes puissances européennes reconnaissent à Londres l’indépendance de la Belgique. 8 mois plus tard, précisément le 21 juillet 1831, fut le jour du couronnement de Léopold de Saxe-Cobourg-Saalfeld en tant que « roi des Belges ».[7]

Face à cette défaite politique et militaire, Guillaume 1er entreprit une reconquête des territoires belges lors d’une campagne qui dura 10 jours, dont son nom de « Campagne des Dix Jours ». Du 2 au 12 août 1831, l’armée royale des Pays-Bas conquit alors de nombreuses régions flamandes. Face à cette situation, le tout jeune Etat belge fait appel à la France qui fut la « garante de [son] indépendance. » Après deux interventions de l’armée française, les troupes hollandaises quittèrent définitivement la Belgique. Le 19 avril 1839, le Traité de Londres consacra pour de bon l’indépendance de la Belgique après la cession d’une partie du Limbourg et du Luxembourg en faveur des Pays-Bas.[8]

L’instauration des deux fêtes

Quelques mois après sa mise en place, le Congrès national décrète que les « Journées de Septembre » seront fêtées annuellement au niveau national. Cependant, ce décret émis le 19 juillet 1931 ne fixa pas de date(s) précise(s). A l’époque le texte stimulait que chaque ville pouvait déterminer elle-même le ou les jour(s) devant être choisi(s) comme jour(s) de fête en se basant sur le rôle que la ville avait joué lors de la Révolution belge (distinctivement). C’est d’après ce texte que la ville de Bruxelles avait choisi le 27 septembre comme date d’anniversaire de ces journées.[9] Tout au long des cinquante années qui suivirent, les fêtes nationales consacrées à la mémoire des « Journées de Septembre » furent organisées avec faste. Elles étaient célébrées dans différents endroits et pouvaient durer plusieurs jours. Les plus grandes festivités avaient lieu principalement à Bruxelles, théâtre de ces journées décisives pour l’avenir du Royaume belge. Hormis l’ambiance et la joie qui régnaient lors de ces fêtes qui célébraient l’indépendance du pays, les « victimes tombées durant la Révolution » furent endeuillés et des honneurs furent rendus aux survivants.[10]

Après cinquante années de célébrations, tout changea le 28 août 1880. En effet, une loi mit terme aux festivités des « Journées de Septembre » en déplaçant la période dans laquelle les fêtes nationales avaient lieu, et ce, en les fixant pour le troisième dimanche du mois d’août. Ainsi qu’en changeant même la raison principale des fêtes, en célébrant à partir de cette année-là le jubilé national, très controversé, qui s’est tenu le 16 août 1880 et non plus les « Journées de Septembre ». Tous ces changements avaient pour but d’améliorer les relations belgo-néerlandaises. Avec le temps, les anciens voisins ennemis se sont réconciliés et ont « noué de nombreuses relations (notamment commerciales) ».[11]

Cette nouvelle fête annuelle n’a pas trouvé d’écho ni parmi la population (les gens ordinaires) ni parmi la bourgeoisie. Après ce changement de fête nationale, un autre suivit en 1890. Cette troisième modification de la fête nationale belge est celle qui est encore célébrée de nos jours. Il s’agit du 21 juillet, date qui commémore l’intronisation du Roi Léopold 1er, le 21 juillet 1831. Ce jour d’inauguration du monarque a depuis 1831 été solennisé. Il a depuis, toujours été un jour de grandes célébrations. Par ailleurs, ce jour a dès le début été un jour férié sur l’ensemble du territoire national belge. Dans un premier temps, il le fut principalement dans les écoles et le secteur public, et à partir de 1890, le Roi Léopold II le rendit férié pour toute la population. Il est à noter que même lors des deux jours qui suivent le 21 juillet, des festivités sont organisées malgré que ces deux journées ne soient pas considérées comme jours fériés.[12]

 

Les fêtes de la Wallonie

Malgré que le gouvernement central belge de 1880 ait officiellement cessé de célébrer les « Journées de Septembre » telle une fête nationale, celles-ci demeurèrent toujours commémorées à Bruxelles et en Wallonie. C’est d’ailleurs lors d’une grande célébration qui avait eu lieu à partir de la fin du XIXe siècle au cimetière de Sainte-Walburge à Liège que « le [naissant] Mouvement wallon [allait] s’approprier le souvenir des Journées de Septembre. »[13] Pour contrer les revendications flamandes d’une officialisation de leur langue et d’une « séparation administrative » du nord (Flandre) et du sud (Wallonie) de la Belgique, le Mouvement wallon changea sa politique initiale qui visait à conserver l’unification belge avec les privilèges du français par celle d’une séparation comme revendiquée par les Flamands. Les Flamands nationalistes qui étaient contre une Belgique unitaire et militaient pour plus de droits et d’autonomie pour leur région étaient nommées « flamingants » par les Wallons. Alors pour contrer le mouvement flamingant, les Wallons comparaient le contexte des années 1910 avec celui de l’occupation Néerlandaise du début du XIXe siècle.[14]

Au tournant du siècle, l’idée de doter la Wallonie d’une fête propre à elle qui serait célébrée annuellement commença à avoir de l’écho au sein des habitants de la région. Pour fixer une telle date, les Wallons devaient se mettre d’accord sur l’événement historique qui devrait être retenu pour une possible fête régionale. Hormis les « Journées de Septembre », trois autres événements, liés de près ou de loin, à la Wallonie furent proposés « comme référence commémorative par des militants ou des organes de presse wallons. »[15] Ces autres dates historiques étaient le 18 juin 1316 pour « la paix de Fexhe » (trêve signée après de longues années de combat entre le prince-évêque Adolphe de la Marck et les corps constitués de la principauté épiscopale de Liège dans le village de Fexhe-le-Haut-Clocher (avant Fexhe-le-Voué)). Le 28 octobre 1468 pour l’épisode des « six cents Franchimontois » (en hommage aux centaines de Franchimontois qui vinrent en aide à la principauté épiscopale de Liège qui subissait des attaques régulières de la part du duché de Bourgogne avec à sa tête Charles le Téméraire. L’attaque des Franchimontois contre Charles le Téméraire et Louis XI fut soldée par un échec total incluant leur mort et le saccage de la ville de Liège par ordre du duc de Bourgogne). Et le 6 novembre 1792 pour la « bataille de Jemmapes » (épisode de la guerre de la France (alors monarchie constitutionnelle pour un cours laps de temps) contre le « roi de Bohème et de Hongrie ». L’armée française avait conquis les territoires belges en battant les Autrichiens à cette date ce qui leur « ouvrit les portes de Bruxelles et de la Meuse ». La France étant devenue une république, cette bataille fut célébrée par le Mouvement wallon comme symbole « d’entrée dans une ère de liberté et de progrès).[16]

En vue des différences qu’avaient ces trois événements proposés avec celui des « Journées de Septembre », à savoir, les événements de « la paix de Fexhe » et des « six cents Franchimontois » n’étant liés qu’à Liège et le caractère francophile et anticlérical de la « bataille de Jemmapes. », c’est l’événement de la Révolution de 1830 qui sera retenu par l’Assemblée wallonne à Mons et à Ixelles, respectivement le 16 mars puis le 20 avril 1913.[17] L’Assemblée déclare alors que « la fête nationale de la Wallonie se célébrera le dernier dimanche de septembre ; elle aura pour objet la commémoration des journées révolutionnaires de 1830. »[18] Le fait d’avoir choisi cet événement pour qu’il soit fêté chaque année en région wallonne était dû à l’idée qui était très répandue à l’époque, en l’occurrence que c’était principalement les Wallons qui ont secourus les Bruxellois et qui ont fait la Révolution de 1830 comme l’a dit Jules Destrée et bien d’autres hommes politiques wallons de l’époque. La participation des Flamands n’a pas été niée, mais a été très minimisée alors que celle wallonne très exagérée.[19]

La véracité de l’idée que c’étaient les Wallons qui avaient le plus donner et sacrifier pour l’indépendance de la Belgique s’est avérée fausse après de nombreuses décennies. En effet, d’après une étude historique minutieuse (analyse quantitative) menée par un professeur d’histoire à la Marquette University aux Etats-Unis, John W. Rooney Jr., il a pu être affirmé, en 1981, que l’« écrasante majorité des combattants de septembre 1830 étaient des habitants de la ville de Bruxelles et des faubourgs proches. »[20] En outre, il a été constaté que l’aide extérieure aux Bruxellois était infime et vint principalement du Brabant, et que la plupart des résistants étaient de simples travailleurs dont une très grande partie parlait le flamand. Malgré ces révélations scientifiques qui contredisent le discours du début du siècle dernier, la mémoire collective n’a pu être changée.[21]

Après que la Communauté française ait été dotée d’une fête annuelle établie par le décret de loi du 20 juillet 1975 et fixée pour le 27 septembre, nombreuses sont les villes wallonnes, telle Namur, qui ont continué à célébrer parallèlement et la fête du 27 septembre et les fêtes de la Wallonie du mois de septembre (encore non-officielles). 18 ans après que les organes politiques wallons aient vu le jour (octobre 1980), la Région wallonne a fini par se doter d’une fête officielle régie par un texte de loi. Après qu’une proposition de décret portant sur cette question ait été déposée le 10 juin 1998 (signée par des représentants des quatre partis démocratiques au pouvoir wallon de l’époque (PS, Ecolo, PRL et PSC)), fut adoptée et concrétisée le 23 juillet 1998. Ce fut « la Commission spéciale chargée de débattre des modes d’expression de l’identité wallonne » qui était derrière la mise en place de cette officialisation des fêtes wallonnes. Pour se distinguer de la fête de la Communauté française, les fêtes de la région méridionale de la Belgique se voulaient être différentes afin de coexister avec la première et avoir des caractéristiques propres à elles. C’est pour cela, que la commission derrière l’officialisation du décret de 1998 proposa le troisième dimanche du mois de septembre comme date officielle des célébrations (ni le 27 septembre, ni le 3e dimanche du mois d’août et ni le dernier dimanche du mois de septembre). En ce qui concerne le fondement historique de ces fêtes elles-mêmes, il devait aussi être différent de l’épisode des « Journées de Septembre ». Ce fut le cas à cause du « mythe » constaté, révélé et dénoncé par l’étude de J. W. Rooney Jr. Vu que cet événement erroné ne pouvait être considéré comme solide historiquement, la Commission choisit la tradition namuroise célébrée depuis les années 1920 pour justifier la mise en place d’une fête officielle propre à la Région wallonne.[22]

 

La fête de la Communauté française (Fédération Wallonie-Bruxelles)

La décision prise par l’Assemblée wallonne en 1913 pour célébrer les « Journées de Septembre » comme fête officielle de la région ne fut pas concrétisée par la loi en vue des compétences réduites de l’Assemblée à cette époque. Plus de cinquante ans plus tard (1970), commencèrent les différentes réformes et modifications constitutionnelles qui amèneront la Belgique vers le fédéralisme afin de mieux gérer le pays et de donner plus d’autonomies et de compétences aux grandes régions belges. C’est dans ce but, qu’en décembre 1971 le « Conseil culturel de la Communauté culturelle française » fut installé. A savoir, il y avait un autre similaire pour la Région flamande. Profitant de l’installation de ce conseil culturel, le Mouvement wallon accéléra les démarches pour officialiser la décision de l’Assemblée wallonne de 1913.[23]

Pour se faire, une proposition de décret fut élaborée par Fernand Massart et Maurice Bologne, deux membres du Rassemblement wallon (RW), parti politique pro wallon. Celle-ci fut déposée le 6 juillet 1972 et prenait les « Journées de Septembre » comme justificatif historique. Quant à la date choisie pour les célébrations, c’était le dernier dimanche du mois de septembre qui avait été proposé.[24] Cette proposition n’a pas pu aboutir à un texte de loi officiel à cause du refus du Conseil d’Etat (le Conseil culturel ne pouvant traiter cette demande) car la Région wallonne, hormis sur le papier, n’avait toujours pas vu le jour (jusqu’en 1980). Faisant face à ce résultat négatif, les militants wallons changèrent de perspective. Pour avoir toutes les chances de leur côté lors d’une nouvelle demande, ils optèrent alors pour faire des « Journées de Septembre » une fête de la Communauté culturelle française dans son ensemble. Cela voulait dire que désormais, même les Bruxellois francophones pouvaient célébrer cet événement comme base mémorielle commune avec les Wallons. Pour les responsables politiques francophones, ce « glissement mémoriel » était un très bon signe pour le futur de la Communauté culturelle française en Belgique.[25]

Le 18 juillet 1974, Fernand Massart dépose une nouvelle proposition de décret visant, cette fois, à instaurer une fête de la Communauté culturelle française. Encore une fois, c’est les « Journées de Septembre » qui devaient constituer la base historique de la fête. Par contre, la date choisie pour les célébrations a été changée. Pour cette nouvelle demande, c’est le 27 septembre qui fut proposé, ayant pour les autorités de l’époque, un « caractère plus pratique. » Toutefois, cette seconde proposition ne fut pas acceptée elle non plus, et ce, à cause de l’absence de consensus sur le choix du drapeau de la Communauté culturelle.[26]

Ce n’est qu’avec la troisième demande, déposée le 16 juin 1975 encore une fois à l’initiative de Massart, que le décret fut officiellement adopté le 24 juin 1975. L’article 1er, daté le 20 juillet de cette année-là précise que « la fête de la Communauté culturelle française est célébrée chaque année le 27 septembre. »[27] Quelques mois plus tard, les premières célébrations avaient été organisées.[28] Par rapport au statu récent de la fête officielle de la Communauté française (transformée en la Fédération Wallonie-Bruxelles), c’est le décret du 3 juillet 1991 qui officialise et retransmet la décision du 20 juillet 1975.

Dès 1982, la journée du 27 septembre est devenue un jour férié pour les écoliers de la Communauté culturelle française. De nos jours, le 27 septembre n’est un jour férié en Fédération Wallonie-Bruxelles que pour « les fonctionnaires des institutions, administrations et autres organismes de l’entité fédérée, […] le personnel des établissements d’enseignement, les élèves et les étudiants, […] le personnel de certaines villes, communes et provinces. »[29], et non pour le reste des habitants de cette Communauté. Cependant, il n’est pas rare que des employeurs privés accordent ce jour de fête comme jour de congé à leurs employés. Ainsi, il est à constater que cet événement historique commun et « l’attachement à la langue et la culture françaises » sont dorénavant devenus le lien fort qui lie les Wallons aux Bruxellois francophones depuis les années 1970 jusqu’à aujourd’hui.[30]

 

Les festivités à travers le temps

Il y a plus d’un siècle déjà, les premières fêtes de Wallonie ont eu lieu le 21/28 septembre 1913. Ces fêtes furent organisées et célébrées dans plusieurs villes et communes wallonnes, telles Liège, Tournai, Namur, Charleroi, Verviers et Mons. Aussi, des fêtes pour cet anniversaire eurent lieu à Bruxelles et à Ixelles. Lors de ces fêtes célébrées annuellement dans les régions francophones de Belgique, plusieurs associations de Bruxelles et de Flandre ont été présentes, en plus à d’autres de Wallonie. Tout au long des conflits mondiaux, que la Belgique avait subi deux fois, les célébrations furent interrompues.[31] Dès la fin de la Première Guerre mondiale (la Grande Guerre) celles-ci reprennent avec plus d’ampleur en ayant, pour un certain temps, un caractère national afin de rendre hommage aux combattants tombés entre 1914 et 1918. Un hommage à des soldats et civils « vus comme les successeurs des révolutionnaires morts pour le pays en 1830. »[32]

A partir des années 1920, les festivités redevinrent comme avant en ayant l’aspect identitaire wallon. Pour l’occasion, les célébrations s’intensifièrent à Namur, à Liège et à Bruxelles dans lesquelles cette fête devenait peu à peu une partie inséparable de la culture, l‘identité et l’histoire de leurs habitants. Jusqu’à leur seconde interruption à cause de la Seconde Guerre mondiale, ces fêtes étaient devenues une coutume dans la quasi-totalité des territoires wallons. En plus d’être des fêtes où les gens faisaient la fête et célébraient un événement de leur mémoire collective, celles-ci étaient aussi le lieu de rassemblements politiques du Mouvement wallon qui ne cessait de gagner en importance. Or, lors de ces rencontres, les membres de ce mouvement identitaire partageaient leurs idéaux et politiques avec la foule en traitant les diverses questions d’actualité d’antan.[33] Dès l’après-guerre, ces festivités ont repris et gagnaient toujours plus de villes et communes wallonnes. A Bruxelles, ces fêtes étaient aussi chaque année au rendez-vous, notamment grâce à des « commémorations organisées à l’endroit du monument de la place des Martyrs, de la statue de Charles Rogier et de la colonne du Congrès. »[34]

Depuis ces dernières décennies, de très nombreuses manifestations culturelles et sportives, commémorations, productions cinématographiques, concerts de musiques, spectacles (pour la plupart gratuits) etc. ont eu lieu chaque année dans plusieurs villes de la Fédération Wallonie-Bruxelles pour célébrer et commémorer le 27 septembre (voire avant et après cette date), autrement dit, les « Journées de Septembre ». Dans l’esprit de la tradition, chaque année, et depuis 1981, une ville est choisie par le « Parlement et le Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles » afin qu’elle accueille les festivités prévues et organisées pour l’occasion. Lors de ces manifestations, les rues des villes accueillantes sont toujours pleines de gens et de touristes venus spécialement pour assister à ces célébrations réputés au-delà des frontières belges.

Par rapport aux fêtes de la Wallonie, celles-ci sont organisées et tenues principalement à Namur, capitale de la Région wallonne. Depuis leur création, en 1923, les fêtes de la Wallonie à Namur rassemblent chaque année des dizaines de milliers de gens. Ces dernières années, c’était plus de 250 000 personnes y qui ont participé. Un tel nombre de visiteurs, venus exceptionnellement à Namur pour cette occasion, témoigne du franc succès que connaissent ces fêtes au sud de la Belgique. Le fait que ces fêtes durent plusieurs jours est une occasion d’organiser plus de spectacle et d’événements pour beaucoup plus de monde. Parmi les nombreuses manifestations et événements prévus pour l’occasion il y a les inévitables, c’est-à-dire les manifestations qui reviennent chaque année et qui sont considérées comme hautement symboliques de la fête. Entre autre, il y a l’émouvante et drôle « messe en wallon du lundi matin », « la frairie des Masuis et Cotelis Jambois » et la fameuse et immanquable « Joute des échasseurs » qui se tient le dimanche après-midi sur la Place Saint-Aubain.

Le dernier événement cité est « l’événement folklorique principal de l’année pour tous les échasseurs namurois ». Il s’agit d’un combat d’échasseurs ayant le titre de « Combat de l’Echasse d’Or » typique de Namur. Ce combat oppose, depuis 1411, la compagnie d’échasseurs « les Mélans » de la vieille ville, à une autre compagnie « les Avresses ». Tandis que les membres de la première compagnie ont le jaune et le noir comme couleurs de leurs habits, les membres de la seconde compagnie ont le rouge et blanc comme couleurs distinctives. Le combat se divise en deux parties. Lors de la première, les membres des deux équipes se battent dans une sorte de « mêlée de géants au centre de la place ». Le but est que les membres de l’une des deux équipes éliminent tous les membres de l’équipe adverse en les forçant à « mettre pied à terre ». Dans un deuxième temps, après qu’une des deux équipes soient éliminées, les échasseurs restés sur place ont pour obligation de se battre les uns contre les autres, malgré qu’ils soient tous de la même équipe. Le gagnant de l’Echasse d’Or est celui qui reste le dernier debout.

 

Les célébrations en 2021

Pour cause du Covid-19 qui sévit depuis le début de l’année dernière, la majorité des événements et célébrations prévus pour l’année 2020 ont dû être annulés ou reportés. La terrible pandémie planétaire a paralysé le monde entier et a rendu la vie très difficile pendant plusieurs mois. En outre, elle a notamment touché le secteur de l’événementiel en plein fouet, causant des pertes colossales dans ce secteur, ainsi que dans d’autre, tels la restauration, l’hôtellerie, ou le tourisme en causant une crise énorme au sein des agences de voyage et des compagnies aériennes. Vu que tout rassemblement de plus de 10 personnes était interdit dans beaucoup de pays dans le monde, en Belgique aussi, il était impossible que les fêtes de septembre puissent avoir lieu, sauf avec un nombre très infime ou en ligne.

En 2021, la situation s’est beaucoup améliorée avec la sortie de multiples vaccins contre le coronavirus. Cette lueur d’espoir pour les manifestations culturelles et sportives réunissant beaucoup de gens simultanément au même endroit, était la nouvelle tant attendue pour commencer à renouer peu à peu avec la vie d’avant Covid-19. Même si de nombreux pays et de nombreuses personnes n’ont pas voulu ou pu être vaccinées, les chiffres des cas des personnes atteintes de la maladie et de décès a drastiquement baissé par rapport à l’année dernière.

C’est dans ce contexte positif qu’une application a fait son apparition en Belgique (aussi dans d’autres pays avec d’autres noms). Il s’agit du « Covid Safe Ticket ». Par le biais de cette application téléchargeable sur les smartphones que les gens peuvent désormais renouer avec leurs activités culturelles d’avant Covid-19, tels les classes d’école, l’université, les voyages, les hôtels, les cinémas, les théâtres, les musées, les spectacles, les concerts de musique, les boites de nuits etc. Le principe de ce « Ticket » est d’afficher un code QR qui prouve que la personne qui l’a obtenu, a soit dépassée deux semaines après sa seconde vaccination (première vaccination pour le vaccin Johnson & Johnson), soit avait un test PCR négatif de moins de 48h ou soit qu’elle ait été remise « d’une infection au coronavirus dans les six derniers mois ». Ce n’est que par le biais de cette application qu’il est désormais possible d’avoir une sorte de regain de vie sociale et de pouvoir assister à la fête de la Wallonie à Namur et à celle de la Communauté française à Bruxelles.

C’est pour cela que la majorité des événements traditionnels ont pu avoir lieu pour célébrer les deux fêtes en cette année de 2021. Tout de même, il faut se rappeler des dernières inondations meurtrières qui ont frappé l’Allemagne et la Belgique en juillet dernier. Ces dernières avaient causé d’innombrables dégâts et couté la vie à des dizaines de personnes. A savoir, les zones touchées en Belgique sont principalement situées en Wallonie, notamment dans la région de Liège et de Namur. C’est pour cela qu’il se pourrait que les gens n’auraient eu pas nécessairement le cœur à faire la fête après de telles épreuves dramatiques.

Néanmoins, plusieurs manifestations ont tout de même eu lieu pour les célébrations des deux fêtes. Pour la fête de la Fédération Wallonie-Bruxelles organisée à Bruxelles, et qui coïncide cette année avec le cinquantenaire de l’entité fédérée, plusieurs événements ont été programmés. Entre autre de très nombreux concerts de musique organisés dans différents endroits à Bruxelles, dont l’un a été programmé pour le 24 septembre à 19h30 au Grand-Place (accès gratuit), des événements culturels, de nombreux films cinématographiques belge-francophones, etc.

Concernant les fêtes de Wallonie organisées du 11 au 19 septembre 2021, l’ambiance était un peu semblable à celle de la fête de la Communauté française à Bruxelles. Mais le programme était bien plus riche et varié. Hormis les nombreux concerts de musique (certains organisés par la RTBF), spectacles, et films sortis pour l’occasion, des événements traditionnels ont pu avoir lieu de nouveau après la pause de l’année dernière. Il s’agit entre autres du « lever des couleurs à la Gaillarde d’argent », des hommages rendus à d’anciens combattants, de la « cérémonie du Souvenir », de la « messe en wallon », des « Walloniades » et de « l’Echasse d’Or ». Afin d’assister à tous ces événements, il fallait juste avoir le « Covid Safe Ticket » et parfois réserver sa place auparavant (crise sanitaire l’oblige).

 

Notes de bas de page

[1] Istasse, 2019: p. 15

[2] Ibid. p. 16

[3] Cf. Ibid.

[4] Ibid.

[5] Cf. Ibid.

[6] Cf. Ibid.

[7] Cf. Ibid. p. 17

[8] Cf. Ibid.

[9] Cf. Ibid. p. 18

[10] Cf. Ibid.

[11] Cf. Ibid. p. 12

[12] Cf. Ibid. p. 20

[13] Cf. Ibid.

[14] Cf. Ibid. p. 22

[15] Ibid. p. 23

[16] Ibid. p. 24

[17] Cf. Ibid. p. 25

[18] Ibid.

[19] Cf. Ibid.

[20] Ibid. p. 26

[21] Cf. Ibid.

[22] Cf. Ibid. p. 30

[23] Cf. Ibid. p. 27

[24] Cf. ibid.

[25] Cf. Ibid. p. 28

[26] Cf. Ibid.

[27] Ibid. p. 29

[28] Cf. Ibid.

[29] Ibid. p. 9

[30] Cf. Ibid. p. 29

[31] Cf. Ibid. p. 26

[32] Ibid.

[33] Cf. Ibid. p. 27

[34] Ibid.

 

Sources

Carlier, Philippe: « La Wallonie à la recherche d'une fête nationale. Un épisode du mouvement wallon à l'aube du XXe siècle. », In: Revue belge de philologie et d'histoire, tome 68, fasc. 4, 1990. Histoire - Geschiedenis. pp. 902-921

Istasse, Cédric: « Histoire, mémoire et identité : les fêtes nationales, régionales et communautaires en Belgique », In: Courrier hebdomadaire du CRISP, 2019/7-8 (n° 2412-2413), p. 5-82

 

Rédaction du site : « Combat de l'Echasse d'Or | Folklore et traditions à Namur ». In : walloniebelgiquetourisme.be. URL : https://walloniebelgiquetourisme.be/fr-be/content/combat-de-lechasse-dor-folklore-et-traditions-a-namur (26/09/2021)

Rédaction du site : « Fête de la Fédération Wallonie-Bruxelles ». In : lafete.cfwb.be. URL : https://lafete.cfwb.be/main-event/detailevent/event/fete-de-la-federation-wallonie-bruxelles/ (26/09/2021)

Rédaction du site : « Le 27 septembre ». In : federation-wallonie-bruxelles.be. URL : http://www.federation-wallonie-bruxelles.be/a-propos-de-la-federation/apropos/histoire-institutionnelle/le-27-septembre/ (26/09/2021)

Rédaction du site : « Les Fêtes de Wallonie à Namur ». In : walloniebelgiquetourisme.be. URL : https://walloniebelgiquetourisme.be/fr-be/3/que-faire/cette-semaine/les-fetes-de-wallonie/6744 (26/09/2021)

RTBF avec Belga : « Les Fêtes de Wallonie de retour à Namur en version "Covid Safe" ». Le : 03/09/2021. In : rtbf.be. URL : https://www.rtbf.be/info/belgique/detail_les-fetes-de-wallonie-de-retour-a-namur-en-version-covid-safe?id=10834930 (26/09/2021)