
Dans cet article, l’écrivaine belgo-luxembourgeoise Valérie Lamesch partage son expérience au sein d’une résidence d’auteurs en Wallonie, au château du Pont d’Oye. Elle y évoque la richesse des échanges entre écrivains venus d’horizons variés, les discussions passionnées sur la création littéraire et le sentiment d’appartenance qui en découle. Cette immersion lui a permis de redécouvrir la légitimité de son métier d’écrivaine, en plaçant enfin l’écriture au centre de son quotidien. Valérie Lamesch met aussi en lumière la vitalité culturelle méconnue de la Wallonie, qu’elle décrit comme un terreau fertile pour les artistes. Son récit, à la fois personnel et inspirant, invite les auteurs à oser vivre cette parenthèse créative qui peut transformer leur rapport à l’art et à eux-mêmes.
Valérie Lamesch revient sur son expérience au sein d’une résidence d’auteurs au Château du Pont d’Oye
En 2012, après avoir publié mon premier roman Quelque part dans l’inachevé (2012) j'ai appris l'existence de ce qu'on appelle les « résidences d'écrivains ».

© Valérie Lamesch
Celles-ci sont, comme leur nom l'indique, des séjours allant de quelques jours à quelques semaines proposés à des auteurs. Chacune de ces résidences possède ses propres conditions de participation et j'ai eu envie de participer à l'une d'elles, celle organisée au Pont d’Oye, et qui avait alors lieu dans le château du même nom situé à Habay-la-Neuve, en Gaume.
La résidence durait près de trois semaines et ouvrait ses portes à une douzaine d'auteurs francophones de tous horizons. L'appel à candidatures m'avait interpellé par sa promesse d'une vraie coupure dans le quotidien. Je ne mesurais pas encore à quel point l’expérience allait en réalité affiner ma perception du travail d'écrivain et de ma propre pratique.
L'écriture, une activité solitaire?
Participer à une résidence d’artistes est, en soi, une expérience intéressante quand on est auteur, notamment parce qu’écrire est avant tout une activité solitaire. Aussi, rencontrer d'autres personnes qui partagent notre passion pour l'écriture permet, d'une part, de lier de nouvelles amitiés, mais aussi, d’autre part, d'ouvrir nos horizons tant sur le plan personnel que créatif.
Ainsi s’ensuivent des conversations autour de nos processus créatifs, des discussions jusqu’à pas d’heure sur la façon d’élaborer une intrigue, des chapitres ou des personnages, mais aussi un partage d’expériences communes et de questionnements autour de nos difficultés et ressentis. Et tout cela finit par créer une expérience peut-être éphémère, mais surtout très humaine et intense.
J’y ai ainsi rencontré des poètes, d’autres romanciers et des auteurs de théâtre. Chacun venant avec son univers, sa vision de l’écriture et du monde, mais aussi… avec sa voix particulière.
De tels échanges ont eu l’avantage de sortir l’artiste solitaire que je suis de ma zone de confort. Ils ont nourri ma réflexion sur mon propre travail d’écriture en me confrontant à d'autres approches artistiques, me poussant à tester de nouvelles choses ou à me remettre en question.

© Wikimedia Commons
Un sentiment de légitimité
La démarche a également été enrichissante sur un plan dont on parle rarement en art : le sentiment de légitimité.
Tout d'abord parce que, l’espace de ces quelques semaines, l'écriture a été mise au centre. Elle n’était plus cette « activité accessoire » qui passait après des contraintes professionnelles, familiales ou domestiques. Elle n’était plus non plus reléguée au stade de simple « hobby ». Non. Sans parler du fait que participer à cette résidence d’écriture renversait aussi radicalement les habitudes et les préjugés que peut avoir l’entourage : tout à coup, l'écriture est devenue sérieuse et importante. Elle était mise en valeur au point d’être l’élément autour duquel chaque journée de cette résidence était articulée.
Un tel changement de paradigme offre subitement une forme de légitimité invisible qui donne à l’artiste la liberté de créer, sans culpabilité ni justification nécessaire.
Déjà, le seul fait d’être retenu et invité à participer à la résidence contribue à offrir un sentiment de reconnaissance qui fait souvent défaut chez les créatifs, adoucissant quelque peu le syndrome de l'imposteur. Nous avons beau savoir que nos doutes ne définissent pas notre valeur en tant qu’artiste, cette reconnaissance n'en demeure pas moins réconfortante dans un parcours souvent jalonné de hauts, de bas et d'incertitudes. D’une certaine façon, être invité nous signifie que notre parcours a été considéré, évalué et jugé comme « suffisamment intéressant ».

Ce sentiment de légitimité a également été renforcé par les activités organisées au cours de la résidence, notamment par les rencontres avec le public, les interviews avec des journalistes locaux et la mise en voix des textes des participants lors d'une après-midi événement. Ces moments nous replacent dans notre position d'auteur aux yeux des autres, nous offrant l'occasion de partager notre travail et notre démarche artistique dans un cadre positif et bienveillant.
Des expériences nouvelles
Mais participer à une résidence d’écriture ne se limite pas seulement à tous ces points. C’est aussi l’occasion de faire des découvertes et de s’ouvrir à des expériences nouvelles, notamment parce que la résidence à laquelle on participe est bien souvent située dans une région qui n’est pas la nôtre.
Ainsi, l’occasion m’a été donnée de découvrir aussi bien les environs directs du Pont d’Oye, mais aussi sa région, avec ses événements et spécificités. J’ai ainsi pu me rendre avec les autres auteurs au Festival international des Arts de la rue de Chassepierre ou découvrir l’existence du pâté gaumais et de la Rulles.
La Wallonie possède en réalité un dynamisme culturel souvent méconnu. Loin d'être un territoire replié sur lui-même, elle possède une vitalité artistique et intellectuelle discrète mais bien réelle. En témoigne ce genre d’initiatives que sont les résidences d’écriture. Aussi, si vous êtes également artiste et que l'aventure vous tente, je vous encourage vivement à tenter à votre tour l’expérience. Ou plutôt devrais-je dire que je vous invite à « oser » tenter l’expérience en posant à votre tour votre candidature. Sortez de votre cocon confortable et faites, pendant quelques jours au moins, de votre pratique artistique votre priorité.
Qui sait ? Y participer pourrait bien transformer votre processus créatif, élargir votre réseau professionnel et vous ouvrir à de nouvelles perspectives ou partenariats.
Après tout, créer signifie aussi nourrir notre monde intérieur au travers de nouvelles expériences. Dès lors, pourquoi ne pas faire de cette activité solitaire qu’est votre passion d’écrire l’occasion d’être, pendant l’espace d’un instant, un pont tendu qui vous permet d’aller à la rencontre des autres tout en vous offrant l’occasion de découvrir une nouvelle région ?
Envie de tenter l’aventure ? N’hésitez pas à visiter le site de la Fédération Wallonie-Bruxelles ainsi que sa page dédiée aux résidences.